Aux origines de la domestication de l’âne

L’âne a transformé l’histoire de l’humanité, aussi bien en fournissant sa force pour le travail agricole, que pour le transport dans des zones parfois difficiles. Pour comprendre l’histoire de leur domestication, les équipes du Centre d’anthropobiologie et de génomique de Toulouse (CNRS/Université Toulouse 3 Paul Sabatier), ainsi que des scientifiques1   provenant de 37 laboratoires dans le monde, se sont mobilisés pour construire et analyser le panel de génomes le plus complet jamais étudié pour cet animal. Il contient les génomes de 207 ânes vivant aujourd’hui sur tous les continents, ainsi que ceux de 31 ânes anciens et de 15 équidés sauvages. Dans une publication parue le 9 septembre à la une de Science, les scientifiques ont révélé que l’âne aurait été domestiqué pour la première fois en Afrique, 5000 ans avant notre ère, à une période proche de laquelle le Sahara est devenu la zone désertique que nous connaissons aujourd’hui. Ce n’est qu’environ 2500 ans plus tard que l’animal a quitté son berceau Africain pour gagner l’Europe et l’Asie, et y développer des lignées qui ont, pour certaines, survécu jusqu’à aujourd’hui. Grâce à l’analyse de restes archéologiques, les chercheurs ont également pu mettre en lumière les traces d’une lignée génétique d’ânes jusqu’ici inconnue. Cette dernière vivait dans la région du Levant il y a 2000 ans. Son influence ne s’est cependant pas limitée à ce seul territoire, mais s’est étendue bien au-delà. Aujourd’hui encore, il est possible de retrouver des bribes de son patrimoine génétique à travers l’Europe de l’Est et l’Asie. Ces découvertes appellent à de nouvelles fouilles archéologiques pour retrouver le foyer initial de domestication en Afrique, ainsi qu’au séquençage d’autres génomes d’ânes anciens sur les deux rives de la Méditerranée afin de mieux saisir le rôle de cet animal dans l’histoire des échanges entre l’Europe et l’Afrique du Nord.

Bibliographie

The genomic history and global expansion of domestic donkeysEvelyn T. Todd, Laure Tonasso-Calvière, Lorelei Chauvey, Stéphanie Schiavinato, Antoine Fages, Andaine Seguin-Orlando, Pierre Clavel, Naveed Khan, Lucía Perez Pardal, Laura Patterson Rosa, Pablo Librado, Harald Ringbauer, Marta Verdugo, John Southon, Jean-Marc Aury, Aude Perdereau, Emmanuelle Vila, Matilde Marzullo, Ornella Prato, Umberto Tecchiati, Giovanna Bagnasco Gianni, Antonio Tagliacozzo, Vincenzo Tinè, Francesca Alhaique, João Luís Cardoso, Maria João Valente, Miguel Telles Antunes, Laurent Frantz, Beth Shapiro, Daniel G. Bradley, Nicolas Boulbes, Armelle Gardeisen, Liora Kolska Horwitz, Aliye Öztan, Benjamin S. Arbuckle, Vedat Onar, Benoît Clavel, Sébastien Lepetz, Ali Akbar Vahdati, Hossein Davoudi, Azadeh Mohaseb, Marjan Mashkour, Olivier Bouchez, Cécile Donnadieu, Patrick Wincker, Samantha A. Brooks, Albano Beja-Pereira,  Dong-Dong Wu, Ludovic Orlando. Science, 9 septembre 2022. DOI : https://www.science.org/doi/10.1126/science.abo3503

  • 1Les laboratoires français ayant contribué à cette étude sont : le Centre d’Anthropobiologie et de Génomique de Toulouse (CNRS/ Univ. Toulouse Paul Sabatier), Genoscope, Institut de biologie François Jacob (CNRS/CEA/Univ. D’Every-Val-d’Essonne), le laboratoire Archéorient (CNRS/Univ. Lumière Lyon 2), l’Institut de Paléontologie Humaine (CNRS/Museum d’histoire naturelle/Univ. De Perpignan via domitia), le laboratoire Archéologie des sociétés méditerranéennes (CNRS/Ministère de la culture/Univ. Paul Valery Montpellier). L’étude a bénéficié du soutien des plateformes GeT-PlaGe et Genoscope, toutes deux membres de l’infrastructure France Génomique (grands projets BUCÉPHALE et MARENGO), et de nombreux soutiens financiers, notamment de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-10-INBS-09), du projet international de recherches AnimalFarm (IRP CNRS) et du projet PEGASUS du Conseil Européen de la Recherche.