Comment la paroi détecte les forces à la surface des cellules

Résultats scientifiques

La paroi cellulaire est une coquille fine qui entoure les cellules de plantes, de levures et de champignons, et qui a souvent été perçue comme un élément rigide et passif protégeant ces cellules. Dans un article publié dans la revue Developmental Cell, des chercheur·es de l'Institut Jacques Monod (CNRS/Université de Paris) identifient un  mécanosenseur de la paroi cellulaire chez la levure. Ces senseurs détectent les forces qui sont appliquées sur la paroi en s’agglomérant, permettant aux cellules de sentir les contacts avec leurs voisines, et de renforcer les endroits fragiles de la paroi pour assurer son intégrité mécanique et la survie des cellules.

Les cellules sont soumises à des forces mécaniques au sein des tissus qui vont influencer leur mode de division, de croissance, de différentiation ou même leur survie. Pour sentir ces forces et déclencher des cascades de signalisation adaptées, les cellules animales sont ainsi équipées de mécanosenseurs à leur surface, tels que les intégrines. Ces senseurs transmembranaires  vont détecter des forces en se regroupant sous forme de « cluster » à l’ endroit exact ou la force est appliquée. Les cellules fongiques et végétales, bien que protégées par une paroi rigide faite de sucres réticulés, sont également constamment soumises à de fortes contraintes mécanique liées à une forte pression de turgescence cytoplasmique et à la croissance de cellules voisines dans les tissus ou les colonies. A ce jour néanmoins les mécanismes de mécanosensation à la surface de ces cellules restent très mal compris et peu documentés. 

Les scientifiques ont caractérisé comment la paroi cellulaire peut sentir des forces de surface par l’intermédiaire de la protéine Wsc1 chez la levure. Cette protéine transmembranaire possède de longs domaines extracellulaires qui peuvent interagir directement avec les sucres de la paroi. Lorsque des forces de compression sont appliquées localement à la surface de la paroi, ces protéines vont s’agglomérer exactement à l’endroit où la force est appliquée, en analogie avec les intégrines chez les cellules animales. Une analyse génétique montre que cette agglomération dépend des domaines extracellulaires interagissant avec la paroi, mais est indépendante d’éléments contrôlant le trafic membranaire, la polarité ou le cytosquelette, suggérant que le mécanosenseur Wsc1 ressent les forces dans la paroi de manière autonome. Cette détection des forces par agglomération permet aux cellules d'identifier des points de fortes contraintes dans la paroi et de la solidifier localement, pour en assurer son intégrité mécanique et ainsi limiter la mort cellulaire. 

© Ramakanth Neeli et Nicolas Minc
Figure : Wsc1 un mécanosenseur de la paroi détecte les forces locales en s’agglomérant.
a) Domaine de la protéine Wsc1 chez la levure S. Pombe. Les domaines extracellulaires (STR et CRD) interagissent avec les sucres de la paroi pour sentir les contraintes dans la paroi. Le domaine cytoplasmique permet d’activer les cascades de signalisation nécessaires à l’intégrité de la paroi.  b) Lorsque les cellules de levure grandissent les unes contre les autres suite à une division ou pendant l’accouplement, Wsc1 est recruté à l’endroit de contact là où les parois sont soumises aux contraintes les plus fortes de par les forces liées à la pression de turgescence.
© Ramakanth Neeli et Nicolas Minc

 

Pour en savoir plus : 
Detection of surface forces by the cell-wall mechanosensor Wsc1 in yeast.
Neeli-Venkata R, Diaz CM, Celador R, Sanchez Y, Minc N.
Dev Cell. 2021 Oct 25. DOI: https://doi.org/10.1016/j.devcel.2021.09.024