Des tote bags cousus de science et d’histoire

Interview

Quand créativité et conscience écologique s’invitent dans les laboratoires du CNRS, cela donne naissance à des projets inattendus. Sylvie Gatibelza, technicienne passionnée et couturière dans l’âme, transforme blouses usagées et posters scientifiques en sacs uniques et responsables. Une belle manière de faire rimer science, art et durabilité.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

SYLVIE GATIBELZA : J’ai rejoint le CNRS en 2022, après avoir réussi un concours externe, en tant qu’adjointe technicienne en préparation biologique. Mon parcours est assez atypique : je suis initialement diplômée d’un brevet de technicienne en création de vêtements et accessoires. J’ai ensuite travaillé pendant 19 ans dans le secteur de l’hôtellerie.

Malgré cette expérience, j’ai toujours gardé en moi le désir de revenir à mes premières passions, notamment la mode. Mais comme ce domaine reste très compétitif et offre peu de débouchés, j’ai saisi l’opportunité qui s’est présentée au CNRS. J’ai d’abord effectué plusieurs CDD dans différentes unités, aussi bien sur le site de Gif-sur-Yvette que sur celui de la faculté d’Orsay. Ces expériences m’ont permis de m’immerger dans le métier, de développer mes compétences techniques et de me familiariser avec divers environnements de travail.

Comment est née l’idée de transformer des blouses usagées et des posters scientifiques en sacs à main, une démarche à la fois originale et éco-responsable ?

L’idée m’est venue assez naturellement. Comme je suis en charge de l’entretien des blouses, un jour, un collègue m’a montré une blouse usée en me demandant ce qu’il fallait en faire. Cette question m’a interpellée et a déclenché une réflexion.

Peu de temps après, à l’occasion des 15 ans de notre unité, plusieurs agents ont fait imprimer leurs posters scientifiques sur du tissu pour éviter qu’ils ne s’abîment. J’ai tout de suite été fascinée par la beauté et la richesse visuelle de ces impressions. J’ai alors fait le lien : pourquoi ne pas donner une seconde vie à ces matériaux en les transformant en sacs ? Beaucoup de personnes portent des tote bags en plus de leurs sacs habituels. Il y a un vrai potentiel ! Grâce à la générosité de deux collègues – l’un m’a donné une blouse, l’autre un poster – j’ai pu réaliser mon premier prototype en mobilisant mes compétences en couture.

En janvier 2025, lors de l’Assemblée Générale, j’ai présenté ce projet à l’unité et lancé un appel aux dons de blouses et de posters pour poursuivre la création. Aujourd’hui, je prépare une exposition et réfléchis à la manière d’inscrire ce projet dans la dynamique du CNRS.

© CNRS

Quels types de sacs réalisez-vous exactement ? Comment sélectionnez-vous les matières ?

Je conçois principalement des tote bags. J’utilise uniquement des blouses usagées et des posters scientifiques. Je recycle absolument tout : les poches, les boutons-pression, les systèmes de fermetures… Rien ne se perd, tout est transformé. C’est un recyclage à 100 %. Je sélectionne les blouses en fonction de leur état et les posters en fonction de leur richesse visuelle. L’idée est de valoriser ces matériaux en leur donnant une seconde vie, plutôt que de les jeter. Chaque sac devient ainsi une pièce unique, utile et originale.

Pouvez-vous nous décrire les étapes de création d’un sac ; de la récupération à la fabrication ?

À partir d’une blouse bien usée et d’un poster, je peux réaliser deux à trois tote bags, selon les dimensions. La matière première provient exclusivement de dons, ce qui rend chaque pièce totalement différente.

Pour la fabrication, j’utilise des ciseaux, du matériel de coupe, du fil, une règle pour les tracés et bien sûr une machine à coudre. Les idées de modèles me viennent de façon assez instinctive, presque automatique. Le processus créatif s’adapte toujours aux matériaux : la taille de la blouse, la présence de poches, les motifs scientifiques du poster…

Chaque sac est donc unique, à mi-chemin entre l’objet fonctionnel et la création artistique.