Une inflammation chronique joue un rôle clé dans le dysfonctionnement du système immunitaire lié à l'âge
Le vieillissement progressif de la population mondiale est un problème démographique, économique, médical et social. Un vieillissement en bonne santé est donc le Saint Graal de toute société. Comprendre les paramètres qui définissent la frontière entre un vieillissement en bonne ou mauvaise santé est un défi majeur. Dans un article publié dans la revue Nature communications, les scientifiques montrent qu’une inflammation chronique contribue au vieillissement et au dysfonctionnement du système immunitaire.
Le vieillissement est un processus complexe qui affecte de nombreux aspects de la biologie des mammifères, y compris le système immunitaire. En effet, les altérations du système immunitaire liées à l'âge rendent les personnes âgées plus sensibles aux maladies infectieuses et aux tumeurs, ce qui entraîne une augmentation de la morbidité et de la mortalité. En outre, la récente épidémie de SARS-CoV-2 a rappelé que l'efficacité de la vaccination est considérablement réduite dans la population âgée, ce qui limite l'efficacité de la prophylaxie préventive. Il est donc crucial de comprendre l'impact du vieillissement sur le système immunitaire.
Les facteurs de transcription sont des protéines qui assurent la régulation de l’expression des gènes. Parmi ceux-ci, les membres de la famille Foxo jouent un rôle crucial dans divers processus biologiques, tels que le métabolisme, la quiescence, la survie cellulaire, la résistance au stress oxydatif, la différenciation cellulaire, l'autophagie et l'apoptose. Des études antérieures ont montré que des membres de la famille Foxo ralentissent le vieillissement chez divers organismes non apparentés phylogénétiquement, tels que Caenorhabditis elegans, Drosophila melanogaster ou encore Hydra vulgaris. Cependant, le rôle des protéines Foxo dans la longévité des mammifères et plus spécifiquement dans le vieillissement du système immunitaire n'a pas encore été exploré.
Le rôle du facteur de transcription Foxo1 dans le vieillissement des lymphocytes T
Les scientifiques, dans un article publié dans la revue Nature communications, démontrent que Foxo1 régule finement le vieillissement des lymphocytes T in vivo. Plus précisément, leurs résultats montrent que l'expression de Foxo1 est progressivement diminuée dans les lymphocytes T de souris avec l'âge, ce qui conduit à une modification de leur signature transcriptionnelle. Cela entraîne plusieurs défauts du système immunitaire, notamment un épuisement accru des lymphocytes T caractérisé par l'expression de récepteurs inhibiteurs (en particulier le récepteur PD1 pour Programmed Death-1) et des déficiences fonctionnelles, ainsi qu'une perturbation de l'homéostasie des lymphocytes T naïfs conduisant à une augmentation du nombre de lymphocytes T mémoires.
Ils montrent également que l'augmentation des niveaux de cytokines inflammatoires avec l'âge, un phénomène connu sous le nom d'“inflammaging” qui est impliquée dans de nombreuses pathologies telles que le la polyarthrite rhumatoïde, le psoriasis ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, contribue à la diminution d’expression de Foxo1 et au vieillissement des lymphocytes T. En outre, ils ont identifié une des familles des cytokines inflammatoires, les interférons de type 1, comme des acteurs clés de la diminution d’expression de Foxo1 et du vieillissement associé des lymphocytes T.
Le récepteur des interférons de type 1 et le facteur de transcription Foxo1 sont tous deux exprimés par la plupart des types cellulaires chez les mammifères. Il est intéressant de noter qu’une diminution d’expression de Foxo1 avec l'âge a été documentée, chez l’homme, dans le cerveau, les muscles, le cartilage articulaire, les disques intervertébraux et le ménisque. Dans la plupart des cas, l'ampleur de cette diminution a été corrélée à des pathologies telles que : la dégénérescence des neurones ou des disques intervertébraux, l'arthrose ou l'échec de la régénération musculaire. Ainsi, l'axe “interférons de type 1-Foxo1” pourrait être impliqué dans le vieillissement chez les mammifères bien au-delà du système immunitaire.
Figure : Schéma récapitulant les principaux enseignements de cette étude. Avec l’âge, une inflammation chronique et, en particulier, une surproduction d’interférons de type 1 se développent entraînant une diminution de l’expression du facteur de transcription Foxo1 dans les lymphocytes T. Cette baisse d’expression altère profondément la fonctionnalité de ces lymphocytes, en entraînant en particulier leur étiolement (exhaustion) Ce dysfonctionnement du compartiment des lymphocytes T pourrait, à son tour, participer à l’inflammation se développant avec l'âge.
En savoir plus :
Durand, A., Bonilla, N., Level, T. et al. Type 1 interferons and Foxo1 down-regulation play a key role in age-related T-cell exhaustion in mice. Nat Commun 15, 1718 (2024). https://doi.org/10.1038/s41467-024-45984-8
Laboratoire
Institut Cochin (CNRS/Inserm/Université Paris Cité)
22 rue Méchain
75014 Paris